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Edem Tengue : « Le port de Lomé s’est imposé sur la carte maritime mondiale »

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En 2021, le Port autonome de Lomé (PAL) intégrait le One Hundred Container Ports 2021. De 2017 à 2021, son chiffre d’affaires est passé de 26 milliards FCFA à 35 milliards de Fcfa, selon le bilan de performance présenté le 13 avril par sa direction générale. Edem Tengue, ministre de l’Économie maritime, de la Pêche et de la Protection côtière, revient pour La Tribune Afrique sur les performances et les ambitions portuaires du Togo.

La Tribune Afrique : Que représente l’économie portuaire et maritime en termes de contribution dans le produit intérieur brut (PIB) du Togo ?

Edem Tengue: L’économie maritime représente près de 75% des recettes fiscales du pays et plus de 80% du commerce extérieur. Le port reste la principale porte d’entrée et de sortie du commerce international du Togo. Le produit intérieur brut (PIB) généré dans la zone portuaire se situerait à plus de 50 % du PIB national, selon nos estimations, mais le poids réel de l’économie portuaire et maritime doit encore être précisé.

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Avec 15 % de croissance en 2020, Lomé est devenu le 4e port à conteneurs d’Afrique. Comment expliquez-vous de telles performances ?

Avec une profondeur de 16,60 mètres, le Port de Lomé est le seul port en eau profonde sur la côte ouest-africaine, capable d’accueillir des navires à fort tirant d’eau. Son statut de port franc permet des facilités douanières qui sont synonymes de gain de temps. Avec 900 hectares de domaine, c’est aussi un pôle d’attraction commercial et industriel important, doté d’une vaste zone franche (…) Les résultats des investissements consentis il y a quelques années ont porté leurs fruits. Nous disposons aujourd’hui de terminaux à conteneurs mondiaux comme LCT (joint-venture entre la China Merchands Port Holdings et Terminal Investment Limited, opérateur portuaire de MSC, ndlr), aptes à recevoir les navires de dernière génération. Le port est en sus, doté d’équipements de manutention à quai, digne des meilleurs et les temps de déchargement et de rechargement sont parmi les plus rapides au monde.

En 2015, le groupe MSC arrivait au Togo avec l’ambition de faire de Lomé son hub régional, promettant d’investir jusqu’à 500 millions de dollars d’ici 2030. Dans quelle mesure, l’arrivée de l’armateur italo-suisse  a-t-elle participé à la croissance du port de Lomé ?

Les effets sont multiples. Environ 1 000 emplois directs ont été créés. Concernant le transfert de compétences, le groupe a financé un centre de formation pour les grutiers et les conducteurs d’engins de manutention, à Lomé. Depuis leur arrivée, le PAL est devenu le 4e port à conteneurs du continent. Aujourd’hui, le port de Lomé s’est imposé sur la carte maritime mondiale. Il est la première plateforme de transbordement des marchandises containerisées d’Afrique de l’Ouest et la seconde d’Afrique subsaharienne, juste derrière Durban en Afrique du Sud. C’est aussi un grand carrefour international pour les pays de la sous-région comme le Mali ou le Niger. Parallèlement, l’arrivée de MSC a permis de décupler la capacité du Togo à se connecter directement aux autres ports d’Afrique.

Où en est le projet d’expansion du Terminal portuaire du groupe MSC ?

La capacité actuelle du terminal est de 2,2 M EVP/an. Compte tenu de l’importance de la croissance du trafic portuaire, le conseil d’administration du Terminal LCT a décidé d’une expansion du Terminal pour anticiper les besoins futurs. Les travaux devraient commencer dans les tout prochains jours. Il a également été décidé d’acquérir du matériel de manutention supplémentaire.

Entre le port de Kribi au Cameroun, le TC2 d’Abidjan en Côte d’Ivoire et les velléités d’expansion portuaire de Cotonou au Bénin : y a-t-il de la place pour tout le monde ?

Nous ne nous inscrivons pas dans une logique de concurrence et nous pensons que toutes les infrastructures existantes sont complémentaires. De plus, nous considérons que les capacités portuaires dans les pays voisins ne sont pas de nature à menacer le leadership du Togo en matière maritime et portuaire. Au-delà des infrastructures, Lomé offre également tout un environnement qui facilite les échanges des marchandises, de façon rapide et sécurisée, grâce à ses infrastructures de pointe.

Avec 1 366 118 conteneurs EVP manutentionnés en 2020, la part de LCT dans le trafic global de conteneurs du port avoisinait 90 %, devant Togo Terminal (Bolloré Transport & Logistics, BAL). Avec l’annonce du rachat de BAL par MSC (5,7 milliards d’euros, ndlr), le groupe italo-suisse va se retrouver dans une situation de monopole au Togo. Quelle est la position du gouvernement face à cette situation ?

Bien qu’un accord ait été trouvé entre les deux groupes, les discussions ne sont pas encore terminées. Néanmoins, le gouvernement se réserve le droit de commenter cette opération au moment opportun. Pour le moment, tout commentaire serait prématuré.

L’un des défis majeurs repose sur la transformation structurelle et le développement d’infrastructures logistiques qui permettront d’améliorer la desserte de l’Interland. Où en est l’opérationnalisation du port sec d’Adétikopé ?

Effectivement, une fois les conteneurs déposés au port de Lomé, il faut créer un écosystème qui permette d’acheminer les marchandises vers le Burkina Faso, le Niger ou le Mali, par exemple (…) C’est dans cette optique, mais aussi pour attirer les investisseurs étrangers et pour renforcer nos capacités logistiques que l’Etat a développé la plateforme industrielle d’Adétikopé (PIA) dotée d’un port sec. Inaugurée le 6 juin 2021, cette plateforme intégrée et multisectorielle inscrite dans le Plan national de développement (PND, 2018-2022), en plus de proposer un certain nombre de facilités administratives à travers son guichet unique, permettra bientôt de soutenir la transformation locale (…) Elle sera opérationnelle dans les jours à venir. Nous sommes actuellement en phase de réglages techniques. Cette plateforme permettra également à terme de décongestionner la zone portuaire conformément aux perspectives de croissance attendues dans les années à venir.

Début avril, les cadres de la préfecture maritime du Togo se sont engagés à relever les défis relatifs aux vulnérabilités des ports. Comment appréhendez-vous les enjeux sécuritaires ?

La question de la sécurité maritime et portuaire représente l’une de nos priorités. Ces dernières années, les eaux du golfe de Guinée ont été en proie à plusieurs attaques de pirates. Cela étant, le Togo a bien résisté comme en témoigne le nombre de navires qui attendent au mouillage, dans le port de Lomé. Le Togo est reconnu par la communauté des armateurs comme disposant d’eaux sûres. Le chef de l’Etat a d’ailleurs doté le pays d’une préfecture maritime qui coordonne les activités de l’ensemble des administrations. Cette initiative permet de mettre rapidement les moyens de la marine nationale, au service de la lutte contre la piraterie et jusqu’à présent, cela a été suffisamment dissuasif pour décourager les pirates.

Quels sont actuellement les axes de développement portuaires engagés par le Togo?

Nous allons poursuivre la modernisation du port autonome et nous ferons en sorte que les bons résultats du trafic se pérennisent (…) Parallèlement, nous accordons une place centrale au renforcement de notre arsenal juridique, tant sur le plan des normes environnementales que sur celui de la sécurité. Le Togo a notamment ratifié un certain nombre de conventions internationales, mais il est allé encore plus loin. En mai 2021,  l’Assemblée nationale votait une loi sur l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral togolais. Pour le gouvernement, il est crucial de conjuguer développement maritime et protection de l’environnement.

Afrika Stratégies France avec La Tribune Afrique

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