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Coupures d’internet : qui paye le plus en Afrique ?

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Restrictions de l’accès à l’information, conflits armés ou coups d’État… Les raisons de la suspension délibérée d’internet sont multiples. Mais à quel prix ?

En Afrique subsaharienne, 171 millions d’internautes ont été affectés par les coupures de réseau en 2021. Les pertes économiques liées à ces perturbations, dont la durée s’élève à 15 963 heures soit 665 jours, sont estimées à 1,93 milliard de dollars (environ 1,78 milliard d’euros). La région arrive deuxième derrière l’Asie (3,42 milliards de dollars) et devant le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (561 millions de dollars).

Dans un rapport actualisé à la mi-avril, l’entreprise technologique britannique Top10VPN a dévoilé les répercussions financières sur les pays où internet et les réseaux sociaux sont le plus censurés au premier trimestre de 2022. Un classement dominé par les représentants du continent : cinq pays africains figurent dans le top 10.

Première puissance économique du continent, le Nigeria a enregistré, en 2021, un manque à gagner estimé à 1,5 milliard de dollars (environ 1,38 milliard d’euros) pour la suspension prolongée de Twitter. Une décision annoncée, le 4 juin dernier, par le gouvernement nigérian après la suppression de deux messages du président Muhammadu Buhari jugés hostiles aux indépendantistes biafrais et non conformes aux règles d’utilisation du réseau social.

APRÈS SEPT MOIS DE RESTRICTIONS, UN ACCORD A ÉTÉ TROUVÉ ET TWITTER A REPRIS DU SERVICE AU NIGERIA

Le bras de fer entre les autorités nigérianes et la plateforme à l’oiseau bleu s’est poursuivi en 2022. Pendant 13 jours, 104,4 millions d’internautes nigérians ont été privés d’accès au réseau social, tandis que les autorités ont payé le plus lourd tribut sur le continent : le coût économique de cette interdiction a été évalué à 82,7 millions de dollars (près de 80,5  millions d’euros).

Après sept mois de restrictions, un accord a été trouvé et Twitter a repris du service au Nigeria. Alors que le réseau social a exprimé sa « satisfaction » et son « engagement » aux côtés des Nigérians, les autorités ont indiqué qu’il remplissait toutes les conditions fixées par la législation nigériane en matière de gestion de contenu.

Perpétuel shutdown

Théâtre de guerre civile, l’Éthiopie impose une suspension d’internet aux habitants de Tigré. « Le pouvoir prive la province de connexion au réseau pour contrôler l’information depuis le début du conflit », explique Top10VPN alors qu’Amnesty International et Human Rights Watch dénoncent « des crimes contre l’humanité » dans la région.

Les pertes financières liées au shutdown qui a touché 1 million d’internautes, sont évaluées à 41,2 millions de dollars au premier trimestre de 2022. L’entreprise technologique britannique souligne « non seulement une atteinte aux droits numériques des citoyens, mais également des actes d’automutilation économique ».

Silence, coup d’État

Afin de museler les critiques et de calmer la grogne populaire, le gouvernement burkinabè avait ordonné, en début d’année, la suspension de l’internet mobile évoquant des raisons sécuritaires. Quelques temps plus tard, le président Roch Marc Christian Kaboré a été renversé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir le 24 janvier après deux jours de mutineries et un shutdown de 35 heures.

15 INTERRUPTIONS DÉLIBÉRÉES D’INTERNET ONT ÉTÉ SIGNALÉES, EN 2022, À TRAVERS LE MONDE

Depuis le mois de janvier, 3,95 millions de Burkinabés ont été confrontés à trois coupures majeures de réseau. Selon les données de la plateforme Top10VPN, la durée globale de blocage est de 380 heures pour des pertes financières évaluées à 12,6 millions de dollars (11,61 millions d’euros).

Censurer pour mieux régner

Au pied du podium des pays africains les plus impactés financièrement par les coupures d’internet, on retrouve le Soudan et le Zimbabwe où, pour réprimer les manifestations pacifiques pro-démocratie, les autorités procèdent aussi à l’interruption de connexion au réseau. Une opération qui coûte 4,8 millions de dollars à Khartoum et 1,8 million de dollars à Harare.

Le classement établi par l’entreprise technologique britannique repose sur un outil baptisé COST (Cost of Shutdown Tool). Développé par Netblocks, The Internet Society et CIPESA, ce programme permet de recenser les restrictions décidées par les autorités et de calculer leur répercussion financière.

RUSSIE, KAZAKHSTAN ET MYANMAR, TÊTE DE GONDOLE DU CLASSEMENT

Au total, 15 interruptions délibérées d’internet ont été signalées, en 2022, à travers le monde : 10 pays sont concernés pour un coût total estimé à 3,79 milliards de dollars à ce jour.

En guerre contre Kiev, Moscou a décidé le blocage de Facebook, Twitter et Instagram, en plus des sites d’information étrangers. Menée par Roskomnadzor, le régulateur russe des télécommunications en charge de la censure, cette opération coûte au Kremlin 2,93 milliards de dollars (environ 2,70 milliards d’euros) et place la Russie en tête de gondole, suivie du Kazakhstan (429,5 millions d’euros) et du Myanmar (257,7 millions de dollars).

Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique

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