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Tchad : des journaux privés menacés de fermeture

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Au Tchad, une trentaine de médias privés sont menacés de fermeture. C’est la conséquence de l’application d’une loi sur la presse adoptée en 2018.

La loi sur la presse adoptée en 2018 loi prévoit en effet que le directeur de publication et le rédacteur en chef doivent être « formés en journalisme avec un niveau de Bac + 3 au moins ». Pour de nombreux observateurs, l’application de cette décision risque de porter très gravement atteinte à la liberté d’informer dans le pays à cinq mois de l’élection présidentielle d’avril 2021.

Le journal N’Djaména Hebdo, le plus vieux journal indépendant du Tchad, pourtant, fondé en 1989 sous la dictature de Hissène Habré, vit peut-être ses dernières semaines. À l’instar de douze autres titres déjà suspendus, N’Djaména Hebdo pourrait être fermé par les autorités d’ici à la fin de l’année.

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Il est reproché à son directeur de publication Djendoroum Mbaïninga, enseignant de formation, qui avait intégré ce journal en 1992 à la suite d’un concours de recrutement où il était arrivé quatrième sur plus de 400 candidats, de ne pas avoir de diplôme de journalisme comme l’exige la nouvelle loi.

« Je ne pourrai que me plier à cette décision, quelle force j’ai pour me battre contre une loi qui existe déjà ? N’Djaména Hebdo a 31 ans, Djendoroum Mbaininga que je suis à 28 ans d’exercice dans ce même journal au cours duquel j’ai gravi tous les échelons pratiquement du reporter au secrétaire de rédaction, rédacteur en chef et aujourd’hui directeur de publication. Aujourd’hui, je continue à former des journalistes qui sortent de l’école. C’est la somme des expériences, qu’est-ce qu’on apprend à l’école ? Que cette loi soit revue », indique-t-il.

Protéger le métier

Mais pour Abderamane Barka, le président de la commission de délivrance de la carte d’identité professionnelle de journaliste à la Haute autorité des médias et de l’audiovisuel, cette loi ne vise qu’à protéger le métier.

« Il faut protéger le métier. Si on laisse le métier de la sorte, n’importe qui peut intégrer et avoir l’occasion de faire du mal. Les gens au lieu de rester et crier, ils peuvent faire des propositions concrètes. Y’en a qui ont même donné l’exemple de la compensation du nombre d’années d’exercice par la possibilité d’accéder à la fonction de rédacteur en chef et directeur de publication et là il faudrait que la loi la précis », explique le Directeur de publication du quotidien pro-gouvernemental, le Progrès.

Un argument qui ne convainc pas l’organisation de défense des journalistes Reporter Sans Frontières. Pour Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières (RSF), aucun critère de qualification ou de diplôme ne peut servir à restreindre l’accès à l’exercice du journalisme ou à la direction d’un média.

« On ne peut pas empêcher quelqu’un de diriger un journal sur des critères de qualification. Le journalisme, c’est la possibilité de collecter et de répandre des informations que ce soit à titre professionnel ou citoyen. Et l’ambition qui est légitime de vouloir professionnaliser les médias, ne peut pas se faire au prix de la fermeture massive de la presse tchadienne. Comment imaginer qu’un quart de la presse tchadienne soit fermé à quelques mois de la présidentielle. Vous voyez que le message envoyé sera absolument terrible », déplore Arnaud Froger.

En plus de RSF qui a saisi les autorités tchadiennes pour demander la révision de cette loi, depuis plus de trois semaines, l’organisation de défense des droits humains, le Mouvement citoyen pour la préservation des libertés, mène également une campagne dans ce sens. Une campagne baptisée « Libérez la Presse ».

Afrika Stratégies France avec Deutsche Welle Afrique

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