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Total en Ouganda : première victoire des ONG dans leur procès contre la multinationale

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Après deux années de bataille judiciaire, les ONG qui portent plainte contre Total pour non-respect de son devoir de vigilance dans le cadre de son mégaprojet en Ouganda viennent de remporter une première bataille : l’affaire sera jugée devant le tribunal judiciaire de Nanterre et non devant le tribunal de commerce, comme le réclamait le groupe pétrolier. Ainsi en a décidé la Cour de cassation, mercredi 15 décembre, remettant en cause le jugement de la cour d’appel de Versailles, il y a un an.

La Cour de cassation a rappelé que « le plan de vigilance » qui incombe à une entreprise depuis la loi votée en 2017 ne « constitue pas un acte de commerce » et que les requérants pouvaient choisir devant quel tribunal ils souhaitaient porter ce type d’affaires.

« Le demandeur non commerçant qui exerce une action contre un commerçant dispose d’une option de compétence en vertu de laquelle il peut choisir de porter cette action devant le tribunal judiciaire ou devant le tribunal de commerce », a détaillé la Cour de cassation dans son arrêt.

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Aux yeux des Amis de la Terre, de Survie et des quatre ONG ougandaises associées dans leur plainte contre Total, l’affaire ne peut être « réduite à un litige purement commercial » : « il s’agit d’enjeux externes, de protection des droits humains et de la planète ». La Cour de cassation a donc déclaré le tribunal judiciaire de Nanterre compétent.

Plus de 100 000 personnes privées de leurs terres

Total a indiqué « prendre acte » de l’arrêt : « Cette décision tranche définitivement le débat sur la compétence en matière de plan de vigilance. »

C’est une « victoire importante », se sont félicitées de leur côté dans un communiqué les ONG. Ces associations accusent Total de ne pas prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux du projet d’exploitation pétrolière situé sur les rives du lac Albert, dans l’ouest de l’Ouganda, et de l’oléoduc de 1 445 km qui permettra d’exporter le combustible fossile en traversant une partie du pays puis la Tanzanie pour gagner le port de Tanga, sur l’océan Indien. Quelque 100 000 personnes doivent être déplacées et un tiers des 400 forages doit être réalisé dans le parc national des Murchinson Falls qui abrite un nombre important d’espèces menacées d’extinction.

L’action intentée contre Total depuis octobre 2019 est la première basée sur la loi française relative au « devoir de vigilance » des multinationales. Cette loi de 2017 oblige toute multinationale à « prévenir les atteintes graves envers les droits humains » et « l’environnement » chez leurs sous-traitants et fournisseurs étrangers, par l’intermédiaire d’un « plan de vigilance ».

L’arrêt de la Cour de cassation constitue « une première victoire dans la longue bataille judiciaire que nous avons engagée contre la multinationale. Nous allons enfin pouvoir nous concentrer sur le fond de l’affaire », a réagi Thomas Bart, de Survie, cité dans un communiqué. Les ONG déplorent toutefois que ces « deux longues années » consacrées à trancher sur la compétence du tribunal judiciaire, aient engendré des délais dommageables aux populations victimes du projet : « Pendant ce temps, selon nos enquêtes, plus de 100 000 personnes sont toujours privées totalement ou partiellement de leurs terres et de leurs moyens de subsistance en Ouganda et en Tanzanie », a alerté Juliette Renaud, des Amis de la Terre France.

Afrika Stratégies France avec Le Monde Afrique

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