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UA-UE : le plaidoyer de Mahamadou Issoufou en faveur de l’économie verte

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L’ancien président du Niger appelle les dirigeants réunis lors du sommet Afrique-Europe du 17 février à Bruxelles à placer la préservation de la biodiversité et la lutte contre le réchauffement climatique au cœur de la relance économique post-Covid-19.

Le changement climatique et la perte de biodiversité sont parmi les plus grandes menaces mondiales auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui. La biodiversité est le fondement sur lequel reposent l’agriculture, l’approvisionnement en eau et la régulation du climat. Mais, selon des études publiées l’année dernière, elle est tombée, au niveau mondial, en dessous de la « limite de sécurité » à partir de laquelle les écosystèmes ont du mal à fonctionner correctement. La dégradation des sols dans le Sahel en est un excellent exemple. Elle met en péril la sécurité alimentaire, hydrique et énergétique, et accroît les inégalités sociales, les conflits autour des terres et des ressources ainsi que les migrations forcées.

Protéger la nature ne suffit plus, nous devons la restaurer à grande échelle, et rapidement. Les Nations unies et les bailleurs de fonds ont déjà demandé au G20 de doubler leurs dépenses annuelles destinées à cette protection et à cette restauration pour les porter à 285 milliards de dollars d’ici à 2050. Il s’agit d’une urgence climatique et de biodiversité. Elle nécessite une énorme transformation.

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Un tiers de la biodiversité mondiale

Dans le contexte des géographies, histoires et économies connectées de l’Afrique et de l’Europe, cela signifie reconnaître que les atouts de la biodiversité de l’Afrique sont la clé pour débloquer des solutions mondiales, soutenir et investir dans une voie de développement sous-tendue par un engagement à sécuriser les infrastructures naturelles. Et enfin, cela signifie aller au-delà du secteur public pour trouver des solutions et demander des comptes aux industries à forte empreinte écologique, de vastes étendues de riches forêts et prairies du continent étant aujourd’hui détruites au profit du développement industriel et des infrastructures.

LA DÉGRADATION DES RICHES ÉCOSYSTÈMES AFRICAINS MET LA PLANÈTE EN DANGER

Les ambitions mondiales en matière de climat et de biodiversité ne peuvent être réalisées sans l’Afrique, riche en forêts tropicales, en savanes, en prairies de montagne, en mangroves, en déserts et en zones humides. Un tiers de la biodiversité mondiale s’y trouve, mais la conversion des habitats et la dégradation des écosystèmes sapent son riche patrimoine naturel et mettent la planète en danger. La forêt du bassin du Congo, en Afrique centrale, est le poumon africain de la planète et joue un rôle crucial dans la stabilité du climat mondial. Avec une superficie équivalente à celle de l’Europe occidentale, s’étendant sur six pays d’Afrique centrale, elle est la deuxième plus grande forêt tropicale du monde et absorbe chaque année 4 % des émissions de dioxyde de carbone dans le monde , soit plus que la contribution historique de l’Afrique (3%).

Le continent souhaite travailler, en partenariat avec l’Europe, à l’élaboration de projets audacieux pilotés localement et plaçant la nature au centre du développement. Les dirigeants africains empruntent déjà une voie ambitieuse et résiliente fondée sur des investissements dans la restauration, la protection et l’utilisation durable de la nature. Le congrès inaugural de l’Union internationale pour la conservation de la nature sur les aires protégées en Afrique (APAC) en est la preuve. Il s’agira du tout premier rassemblement à l’échelle continentale de dirigeants, de citoyens et de groupes d’intérêt africains autour du rôle de ces aires dans la sauvegarde de la faune et de la flore sauvages, la fourniture de services écosystémiques vitaux, et la promotion du développement durable.

Grande Muraille verte

Dans le même sillage, la Grande Muraille verte est un mouvement mené par les Africains pour reconstruire une ceinture verte de 8 000 km de forêt à travers le désert saharien afin de lutter contre la désertification dans la région du Sahel. Le projet n’est pas seulement crucial dans la lutte contre le changement climatique, il est aussi intéressant pour les investisseurs. Selon une étude récente menée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour chaque dollar américain investi dans l’effort herculéen visant à mettre un terme à la dégradation des terres du Sénégal à Djibouti, les investisseurs peuvent espérer un rendement moyen de 1,2 dollar. Investir dans la Grande muraille verte est un choix judicieux sur le plan économique, social et environnemental et permettrait de concrétiser les propositions formulées dans le cadre de la stratégie « Global Gateway » récemment annoncée par l’UE, qui prévoit de privilégier les zones vertes d’investissement pour l’adaptation au changement climatique ainsi que les efforts de protection de la biodiversité.

Lorsque les dirigeants africains et européens se rencontreront cette semaine, ils devront être guidés par l’urgence de la relance économique post-Covid-19, mais celle-ci devra prendre en compte la préservation de la planète et de ses habitants face au changement climatique et à la perte de biodiversité.

Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique

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