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Elisabeth Ndala : « J’ai toujours refusé d’être noire dans mon métier de galeriste »

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La galeriste Elisabeth Ndala a créé sa société BAB’s galerie, basée dans le 7ème arrondissement de Paris, où elle y a effectué pas moins d’une cinquantaine d’exposition d’artistes de divers horizons. L’entrepreneure, originaire du Congo Brazzaville, qui fourmille d’idées, ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Elle vient de publier son premier essai, «Être #TotallyMegalo, 11 règles pour s’apprécier, s’estimer, s’aimer…Et l’assumer» chez Edilivre, à travers lequel elle prône l’estime et la valorisation de soi. Elle explique à Afrika Stratégies France ce concept, qu’elle a lancé il y a deux ans et demi. Elle vit son art, au point où, chaque prise de photo est une mise en scène naturelle. Vous trouverez quelques photos tout au long de cette interview!

Elisabeth Ndala n’est pas une galeriste comme une autre. Rien d’ailleurs ne la prédestinait à évoluer aujourd’hui dans le monde de l’art. Diplômée en management de la fonction achats, elle travaille d’abord pendant cinq ans en tant qu’acheteuse dans le nucléaire. Seulement, la jeune femme n’est pas épanouie dans ses fonctions, pourtant très bien rémunérées, avec de hautes responsabilités. « J’ai ressenti le besoin d’une nouvelle expérience professionnelle et je me suis orientée vers le marketing où j’ai exercé en tant que chef de produits. J’y ai créé des services liés à l’énergie. Je me suis rassasiée de ce parcours qui déjà avait déjoué les plans du sociologue français Pierre Bourdieu, en termes d’ascension sociale », explique-t-elle. « En effet, j’avais déjà explosé mon premier plafond de verre. Mais, il faut croire que j’aime le challenge », précise Elisabeth. Huit ans après une carrière professionnelle bien remplie, elle décide de se réinventer et tente sa chance dans un nouveau troisième cycle en conduite de projets culturels, qui lui ouvre les portes d’un stage dans une galerie, à Paris. Cette expérience lui permet de prendre conscience que c’est bien dans le monde des arts qu’elle souhaite évoluer. « Je me rêvais en galeriste. Je me suis dis pourquoi juste rêver. Alors, j’ai décidé d’entreprendre pour faire ce que j’aime. Le 16 novembre 2012, à 19h, j’ai ouvert La BAB’s galerie, en repensant à l’artiste Amdy Byfall rencontré 10 ans auparavant sur l’Ile de Gorée qui avait fait naître chez moi l’envie de travailler au contact des artistes. Les prémisses de ma naissance professionnelle », raconte Elisabeth. La BAB’s galerie est d’abord basée à Bagnolet avant de prendre un nouveau départ deux ans plus tard dans le 7ème arrondissement de Paris. « Après quatre années de pratique, d’apprentissage et la réalisation d’une cinquantaine d’expositions, je possédais une vraie légitimité tant professionnelle que personnelle. Riche de cette force qu’est sa propre reconnaissance, il était temps que j’apporte un supplément de « moi » au métier, afin de continuer à le vivre avec passion », souligne la galeriste. Tout cela la mène à Totally mégalo, un concept né de ses expériences artistiques.

Séance photo, à Paris pour le concept Totally Megalo
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Pouvez-vous nous expliquer concrètement l’univers Totally megalo, que vous avez créé de toute pièce ?

Totally Megalo est une philosophie, un univers et des concepts qui en découlent. Nous sommes des œuvres d’art d’une très grande valeur et moi galeriste, je reconnais l’humain en tant que telles. « Megalo » prend sa source dans sa définition grecque signifiant « grand » et « Totally » fait référence au côté assumé de cette grandeur, en chacun de nous. Prenons-en conscience, assumons et célébrons cet état de fait, comme il se doit. Estimons-nous, aimons-nous sans culpabilité. Avec Totally Megalo, je veux être ce révélateur. Pourquoi me direz-vous ? Parce qu’on m’a révélé à moi-même, à l’occasion d’une expérience artistique et humaine exceptionnelle que j’ai initiée. Je suis devenue une œuvre d’art, la muse et l’inspiration de 16 artistes. J’y ai compris l’énergie puissante que constitue ce type de contexte où l’on est invité à penser et à montrer le meilleur. Là, nous devenons magiques. Riche de cet enseignement, j’ai donc développé des outils et propositions pour permettre l’expression de toute notre valeur. La première, la plus emblématique est la pose by Totally Megalo qui permet de devenir l’inspiration d’un artiste et d’être célébré par lui et par soi. L’œuvre réalisée est ensuite exposée. Sa symbolique est puissante. D’autre prestations plus « corporate » ou évènementielles sont aussi proposées. L’ensemble étant toujours réalisé sur mesure, comme peut le permettre l’art.

Vous avez décidé d’écrire un livre sur ce concept. Dans quel but ?

Le livre « Etre Hashtag Totally Megalo, 11 règles pour s’apprécier, s’estimer, s’aimer…Et l’assumer » est un manifeste, celui de l’estime de soi élevé au rang d’art. Il est le chemin vers une meilleure reconnaissance de sa valeur, à travers des règles que j’invite chacun à enrichir et à vivre sur mesure, encore une fois. C’est un guide pour développer son « Totally Megalo spirit », c’est-à-dire expérimenter toute sa grandeur, sans culpabilité, avec joie et bienveillance vis-à-vis de son environnement. Les règles sont écrites simplement. Elles vont de la première « s’aimer » à « se lever du siège de victime, s’en éloigner et avancer », en passant par « expérimenter la liberté de penser, de se vivre et l’adopter ». Le livre est né à la suite d’une intuition, je dirais d’une pulsion de vie et du besoin de rassembler mes différents écrits et notamment de mes pensées formulés ces deux dernières années sur les réseaux sociaux. Il est aussi le résultat de mon expérience de vie et des échanges avec mon environnement. J’avais besoin de partager mes certitudes. Par la suite, je souhaite l’enrichir grâce aux retours que je reçois. En effet ce manifeste, je l’ai voulu évolutif. Alors, écrivons la suite ! Je travaille aussi sur la traduction anglaise de mon ouvrage, afin qu’il fasse le tour du monde.

Pourquoi pensez-vous aujourd’hui que l’estime de soi est en souffrance et n’est pas suffisamment valorisé chez les gens ?

En premier lieu, je pars de mon expérience personnelle. Je n’ai jamais été aussi efficace voire magique que lorsque j’étais en pleine possession et consciente de ma valeur. C’est une force qui permet d’ouvrir toutes les portes. L’expérience artistique « Elisabeth Ndala est hastag TotallyMegalo » a été une succession de prise de conscience et de claques positives par rapport à un questionnement sur ma « grande valeur ». C’est bien qu’il y avait des doutes, voire des manques. J’ai compris que lorsqu’on fait taire ces doutes, on peut enfin laisser la place à l’action. On fait enfin briller son diamant. En effet, durant le projet qui a duré neuf mois, j’ai été surprise par le nombre d’interpellations du public. J’ai été vivement encouragée à poursuivre mon entreprise de valorisation et des conseils m’étaient demandés. A travers moi, d’autres se reconnaissaient, se célébraient, peut être pour la première fois. J’ai compris que trop de personnes se sous-estimaient. J’ai donc décidé d’agir dans cette sphère, d’autant plus que bien avec soi, nous pouvons l’être avec l’autre. Ce point, je l’expérimente tous les jours. Le livre a donc l’objectif de servir de déclic et de rappel dans cette quête de notre « être aimé ». Ensuite, je crée des propositions pour célébrer cet être enfin assumé. Pour exemple, j’ai organisé un séminaire s’adressant à une cinquantaine d’architectes. La question posée était : « Est-il répréhensible de se valoriser ? » Bien entendu, la réponse était : « Non ». Mais il fallait montrer comment le faire bien et de façon professionnelle… D’autres réalisations avec des femmes et des enfants notamment, sont présentées sur le site.

Elisabeth Ndala

C’est très rare de trouver une galeriste noire dans l’univers des arts. Quels ont été vos difficultés ? 

Sur la scène parisienne et française, il y a effectivement peu de galeristes noirs. Mais passé ce constat, j’ai toujours refusé d’être noire dans ce métier. Car noire, je le suis depuis ma conception, je n’ai rien à prouver dans ce domaine ! J’ai donc décidé d’être galeriste ! En a découlé une programmation éclectique et décomplexée : Sexe, genre, identité, Street Art engagé, féminisme et esthétique pure ont été traités, jusqu’au sujet inédit du « Moi », celui d’une galeriste devenue muse. Des difficultés, il y en a, bien entendu, mais je retiens surtout le côté passionnant du métier qui demande avant tout persévérance, ouverture d’esprit, fermeté, créativité et surtout confiance en ses choix. J’avance les yeux grands ouverts en direction de mes objectifs, c’est l’essentiel.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes issus de la diversité qui veulent s’engager dans ce métier très fermé ?

Cette question est la plus importante pour moi aujourd’hui. Je conseille à tous les jeunes et moins jeunes qui voudraient se lancer, de commencer maintenant. C’est-à-dire, de façon informelle. N’attendez pas l’obtention des diplômes nécessaires. Organisez vos expositions dans des lieux différents, allez voir ce qui se passe dans les galeries, faites la promotion de vos artistes sur les réseaux… Gagnez en expérience et en réseau, le plus tôt possible. Et surtout n’attendez pas qu’on vous ouvre la porte d’une maison dans laquelle on ne vous attend pas. Construisez votre propre maison, belle et inédite. Les autres finiront par sortir pour visiter la vôtre et la reconnaître…Commencez maintenant ! Etre Totally Megalo c’est aussi cela, être là où on ne nous attend pas et où on ne s’attend pas !

Propos recueillis par Assanatou Baldé, à Paris, pour Afrika Stratégies France

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