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TOGO : Avec Kuessan Yovodévi, la communication présidentielle s’émancipera

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Remarquable journaliste, il  aura contribué par son expertise et sa souplesse à la communication de la majorité pendant la dernière campagne présidentielle. A 62 ans, c’est un homme dont l’expérience, le sens de compromis et l’ouverture ne souffrent d’aucun doute qui prend en main la communication de Faure Gnassingbé.  L’ancien directeur de la télévision nationale donnera une nouvelle envergure à l’image d’un système qui n’a jamais été aussi dégradée.

Quelques heures après l’annonce du nouveau gouvernement au sein duquel plusieurs jeunes ont fait leur entrée, le cabinet présidentiel commence à faire peau neuve. Par le maillon le plus délicat, la communication. Si avec les moyens dont il disposait, Toba Tanama, directeur Togo du respecté AG Parteners  faisait ce qu’il pouvait et a su pousser ce service trop traditionnel vers le digital, la nomination de Kuessan Yovodévi devrait ouvrir l’air de la redynamisation et surtout, de l’émancipation.  Car une bonne communication aujourd’hui doit moins tourner autour d’un homme et pour être crédible, être dépoussiérée du culte de la personnalité mais aussi s’ouvrir sur de nouveaux canaux, avec un élargissement des supports. C’est le plus grand défi qui attend le nouveau patron de la Com présidentiel dans un pays où la culture du sectarisme mine l’administration. Mais avant d’être à ce poste,  l’intéressé a fait ses preuves à la télévision nationale.

Il a relancé une télévision nationale désuète

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Dans des conditions bien complexes où un comité spécial lui a damé le pion, l’ancien directeur général de la télévision nationale togolaise (Tvt) a fait l’essentiel pour la numérisation. Alors que la phase de modernisation continuait, il a atteint l’âge de la retraite en 2018 et n’a pas voulu passer un jour de plus. Dans la foulée, le chef de l’État a accepté son départ sans jamais se passer de ce sexagénaire qui, selon plusieurs témoignages concordants, « sait lui dire la vérité ». Une qualité qui lui a permis de continuer, dans le calme de sa retraite, à être consulté sur divers dossiers liés à la communication. Mais c’est son passage à la télévision nationale qui aura été son plus grand apport à son pays. Longtemps politiquement engagé contre la dictature Eyadema, notamment dans les années 1990, ce libre penseur et bon vivant qui a du mal à résister « aux bonnes choses » selon l’un de ses amis du ministère de la communication a relativement démocratisé le débat sur une chaîne qui était exclusivement la boite de résonance de la majorité présidentielle. Depuis, même si la télévision nationale reste au service du régime, elle a fait quelques bons pas. Des émissions plutôt ouvertes, l’accès à l’opposition et à des idées contradictoires ont fait leur apparition, même si beaucoup reste à faire. Kuessan Yovodévi aura ramené l’esprit de la diversification.

Un coup pour la com  présidentielle

Brillantissime étudiant de la première promotion de l’Institut supérieur de la presse de l’entente (Ispe) dépendant de l’actuelle Université de Lomé, il discutait la première place avec Sogoyou Kéguéwé, un cacique du régime qui sera plus tard ambassadeur en Allemagne. Les rares fois où leur 3e larron, le burkinabé Zerbo Salia leur arrachait la première place, les deux togolais devenus complices ne le supportaient que trop mal, pour l’anecdote.

En acceptant de prendre en main la communication présidentielle, Yovodévi devrait élargir le champ d’intervention et surtout, y associer une presse de plus en plus hostile à Faure Gnassingbé. Il est, par son parcours et son ouverture, la personne idéale pour tenter quelques coups de pioches dans la presse dite d’opposition qui, ces dernières années, n’a pas lâché un président dont l’introversion ne facilite pas la tâche. Kuessan Yovodévi devrait aussi tisser la nouvelle corde à la suite de l’ancienne, prenant en compte les innovations opérées par son prédécesseur, Toba. Le départ inattendu de ce dernier est interprété comme une volonté du président togolais de se séparer de jeunes mis à sa disposition par sa conseillère spéciale en charge du marketing et de la communication, Reckya Madougou. Car le ministre de l’agriculture, Noël Bataka, placé par l’ancienne garde des sceaux du Bénin voisin a pris la porte de sortie lors du dernier remaniement.

Un homme d’éternels compromis

Futé, prudent, intelligent et grand charmeur,  c’est un homme de réseaux et de contacts, tenant à l’apparence et jonglant à merveille avec la langue française qui prend la communication de Faure Gnassingbé. Le 4e mandat forcé par le président togolais qui a déjà passé plus de 15 ans au pouvoir à la suite de son feu père et la crise électorale qui a suivi la présidentielle de février dernier ont suffisamment dégradé l’image d’un président qui, à 54 ans est déjà doyen des chefs d’Etat de la sous-région. La première mission de Yovodévi sera d’humaniser la rude image du président togolais mais surtout, de l’ouvrir sur son pays d’autant que Faure Gnassingbé n’a jamais accordé aucune interview à la presse locale. Il devra accélérer le processus de digitalisation entamé par Toba Tanama et élargir le nombre de médias partenaires, tout en diversifiant les supports de l’innovation. Avec sa sympathique humeur et son réalisme, il devrait y arriver facilement. Encore faudrait-il qu’il puisse garder sa liberté de pensée, avoir les mains libres et surtout, disposer des moyens nécessaires, ce qui, dans le marigot togolais, n’est jamais évident.

Afrika Stratégies France

 

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