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Madagascar: le «Christ des dépotoirs», pense à sa succession

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Icône de la charité dans l’océan Indien, le Père Pedro Opeka est certainement l’homme le plus connu de Madagascar. Après un demi-siècle de présence sur la Grande île, «le Christ des dépotoirs» pense à sa succession. A 75 ans, le prêtre argentin, dont l’œuvre passionne le pape François, reçoit cath.ch dans son village-école d’Akamasoa, dont l’oeuvre fête ses 35 ans.

Max Savi Carmel, à Madagascar, pour cath.ch

L’Abbé Pierre de l’océan Indien

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«Il pu faire une brillante carrière au sein de l’Eglise, il a préféré rester simple prêtre», relève une religieuse des Filles de la charité. Le Père Pedro a en effet refusé toute promotion pour se consacrer à son œuvre. Frappé par le phénomène des enfants de rue, très présent à Antanarivo, la capitale de Madagascar, il a construit ses premières maisons en 1989. «Sur un véritable dépotoir», se rappelle-t-il.

Aujourd’hui, près de 40’000 personnes sont logées dans ses 22 villages étendus sur un peu plus d’un millier d’hectares. «Le surnom de l’Abbé Pierre de l’océan Indien lui va à merveille», commente la religieuse. «Mais on devrait faire mieux encore», lance l’Argentin né de parent slovènes, en éternel instatisfait. Au-delà de son statut d’apôtre de la charité, Pedro est aussi un «phénomène spirituel» qui, chaque dimanche, célèbre la messe devant 10’000 personnes. Ce qui fait de son église du haut de la colline Manantenasoa le lieu de culte catholique le plus vivant et le plus fréquenté de toute la zone africaine.

Des messes pleines à craquer

«Les gens viennent de partout» constate Marie Odette, présidente d’Akamasoa. «Je devais aller à Tamatave (Est), mais je suis restée à Antanarivo pour assister à cette messe unique et vivante», avoue Harivola. Comme cette Malgache de 26 ans née en Suisse, de nombreux touristes se bousculent pour voir le Père Pedro chaque dimanche. «A 8h30» précise Sandrine qui préfère «venir au moins 30 minutes plus tôt» pour être certaine d’avoir une place. Cette ancienne professeure de mathématiques de l’île de la Réunion, qui vit à Madagascar la moitié de l’année, ne «raterait pour rien au monde la messe dominicale» de ce prêtre à la silhouette encore très sportive.

«J’ai joué au football à un niveau professionnel au début de mon ministère à Madagascar», confirme Pedro, qui a aussi travaillé dans les rizières malgaches. Un touche-à-tout que «l’amour du Christ pour les pauvres a définitivement touché», déclare Sandrine.

Un modèle pour le pape

Alors qu’il n’avait jamais osé en rêver, sa paroisse a reçu, en 2019, la visite du pontife en personne. Une rencontre «inattendue et inoubliable», insiste le prêtre, qui montre de son téléphone portable des images de l’événement.

«Nous partageons l’Argentine», s’écrie-t-il, «mais surtout l’amour du pauvre». La visite du pape à Akamasoa, le 8 septembre 2019 – dans ce pays qui compte cinq millions de catholiques – a été «un événement national historique», insiste Pedro. «Le Saint Père est venu à nous, comme le Christ vers les pauvres.» Dans l’église, François a prié pour «que se répande dans le monde la lumière d’Akamasoa» qui est pour le pape » la manifestation de la présence de Dieu au milieu de son peuple pauvre».

Depuis lors, à travers la nonciature apostolique, le pontife prend régulièrement des nouvelles de «son compatriote, devenu ami». Les deux hommes s’étaient déjà rencontrés au Vatican, en mai 2018. A Akamasoa, des photos des deux Argentins sont plaquées partout, comme autant de marques de reconnaissance.

Une succession «laissée au Christ»

Mais, déjà au moment de la visite du pape, «l’après-Pedro» était dans toutes les têtes. Car, à 75 ans, le prêtre commence à ressentir le poids des annés. Sa succession est souvent évoquée par la presse locale, qui craint qu’elle ne soit tumultueuse. «Elle sera linéaire, calme, sans vagues, comme le voudra le Christ» affirme de son côté le principal intéressé. «Tout est déjà en place, ma présence est juste symbolique» s’efforce-t-il de rassurer.

Dans un pays miné par diverses crises, dont la criminalité infantile et l’extrême pauvreté, Akamasoa a construit 5000 maisons en 35 ans. L’institution, qui est venue en aide à 600’000 Malgaches, est souvent le dernier recours pour de nombreux démunis. L’association est déjà présidée par une Malgache, Marie Odette, qui, selon Pedro, »gère tout». Et le prêtre reste confiant: »Après moi, le Christ fera d’Akamasoa ce qu’Il veut, pour le bien des pauvres». (cath.ch/msc/rz)

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