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TOGO : Ce que vous ne savez pas sur le dossier Jean Paul Oumolou

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Depuis une semaine, un cyber activiste de grande réputation, proche d’Agbéyomé Kodjo, qui, à la suite de la présidentielle de 2020, réclame toujours sa victoire a été arrêté à Lomé. Opposant de longue date, ce virulent tribun populaire au sein de la diaspora était de court passage chez une amie à Lomé. Depuis, la gendarmerie qui détient Jean Paul Oumolou dans des conditions mystérieuses n’a pas dit grand-chose sur ce qu’elle lui reproche mais nous en savons un peu plus.

Hédzranawé. Quartier du nord-est de la ville de Lomé, la capitale du Togo et dans une maison à cour collective, la gendarmerie dépêche une grande artillerie ce 04 novembre, et interpelle Jean Paul Oumolou. JPO pour ses milliers de togolais qui le suivent sur facebook. Pour ces derniers, c’est l’icône de la lutte sur les réseaux sociaux. Malgré ses quelques excès, il semble posé, maitrisant bien les gestuels et fait, de façon récurrente, des directs plutôt très suivis notamment sur facebook. La mystérieuse fille chez qui il était fait l’objet de questionnements alors qu’une jeune gendarme vit dans la même maison. Nos premiers recoupements nous font penser que la gendarme n’a pas été à l’origine de l’alerte. Les soupçons se tournent donc vers l’amie que  Oumolou connait depuis trois ans seulement. Car, elle a insisté pour qu’il ne parte pas à 4h30 comme l’intéressé l’avait prévu. Il est aussi possible que leur conversations aient été interceptées. Les services secrets togolais sont des plus efficaces et des mieux outillés dans une sous-région à la technologie précaire. Le scandale Pegasus en dit d’ailleurs suffisamment.

Dans la sous-région depuis un petit moment

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Il a été nommé, par le gouvernement en exil de la Dynamique Mgr Kpodzro, une alliance du nom d’un ancien archevêque de Lomé et ayant porté la candidature à la présidentielle de l’ancien Premier ministre Kodjo, en février 2020. Depuis, tantôt supposé au Bénin, tantôt au Ghana, Agbéyomé Kodjo s’est éloigné des pays limitrophes du Togo. Et l’archevêque émérite, à 92 ans, se trouve en Suède, pays de la Scandinavie qui lui a accordé l’asile en urgence, à la demande du Haut-commissariat de l’Onu pour les réfugiés. Depuis, « l’ambassadeur » qui vit officiellement en Suisse et qui travaille dans les Bâtiments et travaux publics (Btp) mène, pour le compte de ses combats politiques, quelques missions dans la sous-région. C’est après avoir quitté le Bénin pour rejoindre son « poste » au Ghana qu’il a fait un rapide détour pour voir discrètement une amie avant d’être arrêté selon diverses sources concordantes. Il a dû passer deux nuits au sol, sans lit ni matelas, avant d’avoir droit à une natte. Sa famille qui n’a jamais été prévenue par lui de son passage à Lomé lui assure désormais des repas, grâce au redouté Amegan Claude, son Conseil principal qui est assisté d’autres dont Gil Benoit Afangbédji. S’il a eu un œil boursouflé par la violence de l’arrestation, les images qui ont circulé sur les réseaux sociaux n’en seraient en rien authentifiées, ce qui n’écarte pas qu’il ait pu être victime de tortures, pratiques courantes dasn le pays. Mais les chefs d’accusation font froid dans le dos.

Chefs d’accusation

La méthode de travail des gendarmes, bien évidemment à charge, a consisté à ressortir environ 200 images et vidéos publiées par l’intéressé depuis 2018 et à déceler, chaque propos qui aurait une sémantique injurieuse ou appelant à renverser le pouvoir. Par une telle alchimie, il a été facile de dresser des chefs d’accusation pléthoriques et graves. « subversion visant à déstabiliser le pays, tentative d’atteinte à la sécurité et à la sureté de l’Etat, appel du peuple et de l’armée à l’insurrection, révolte et soulèvement, diffusion de fausses nouvelles, apologie de crime, insultes contre l’autorité » notamment à partir d’une vidéo où il s’en est pris au controversé Gilbert Bawara, influent ministre de la fonction publique et à Sabine Mensah, mère du chef de l’Etat. Il pourrait, si la Suisse ne vole pas à son secours, passer du temps en prison, dans un pays qui a été à plusieurs reprises accusé par la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) dans différents dossiers, de « violations de droits élémentaires« .

Pas encore helvète

Selon plusieurs sources l’intéressé qui a fait une demande de nationalité suisse est encore en attente pour l’aboutissement de son dossier. Ce qui le prive à priori d’une assistance consulaire qui lui aurait été d’une grande utilité. Une partie de la communauté togolaise vivant en Suisse s’est mobilisée devant l’ambassade pour réclamer, cette semaine, sa libération. La Dynamique Mgr Kpodzro, DMK, dont il est « ambassadeur » grouille entre Paris et Bruxelles pour mettre la pression pendant que passant au peigne fin ses pages sur les réseaux sociaux, la gendarmerie accumule des éléments pour étayer les accusations. Ses avocats et proches craignent qu’il ne se retrouve pour trop longtemps en prison.

Très populaire à Lomé, apprécié sur les réseaux sociaux, Jean Paul Oumolou est un acteur de l’alternance et du changement dans son pays où depuis le début des années 2000, il s’est illustré comme un leader estudiantin de premier plan. Mais face à la démission criarde de la France depuis l’arrivée de Macron sur les questions d’état de droit, son cas risque de manquer de mobilisations diplomatiques. En attendant, l’opinion nationale togolaise lui est largement acquise. Et d’autres cyber activistes chauffent les androïdes et les smartphones pour réclamer sa libération. Et bien qu’il ne soit pas encore helvète, la Suisse pourrait ne pas perdre de vue sa situation, ce qui sera une pression supplémentaire.

MAX-SAVI Carmel,  Afrika Stratégies France

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