Le gouvernement Dbeyba auditionné par le parlement libyen : Flou persistant sur le départ des troupes étrangères et le ministère de la Défense

Que l’on le veuille ou pas. La séance d’hier, 8 septembre 2021, au Parlement libyen, constitue un événement puisqu’il s’agit de l’audition du gouvernement d’union nationale par le Parlement libyen unifié.

La première audition du genre depuis les élections de juin 2014, celles qui ont amené ce Parlement. Pour ce qui est de l’efficacité de la réunion, elle demeure incertaine puisque les principaux acteurs sont juste représentés, aussi bien dans l’Est ou l’Ouest libyens. Les parlementaires et le gouvernement Dbeyba n’ont, de fait, ni les moyens ni les prérogatives de résoudre les questions sécuritaires.

Différends

La question sécuritaire à l’Ouest libyen reste l’une des principales questions en suspens dans le pays, en l’absence d’une direction unifiée coiffant toutes les forces armées, qu’elles relèvent de l’armée ou du ministère de l’Intérieur. Ceci sans parler de la présence de groupes armés et troupes étrangères, que ce soit à l’Est ou l’Ouest libyens. Lesquelles questions déstabilisent tout gouvernement cherchant à diriger la Libye unifiée. Chaque chef de gouvernement est appelé à tenir en considération la présence du groupe russe Wagner dans la base de Gardhabya, près de Syrte, et des Turcs à la base d’El Witya, près des frontières tunisiennes.

Il va de soi qu’il faut qu’il tienne aussi compte de la présence de groupes armés syriens. Et si le commandement général de Haftar contrôle l’Est libyen sur le plan sécuritaire, la situation échappe à tout contrôle centralisé à l’Ouest, laissant place à des échanges sporadiques de slaves de feu, de temps à autres. Ce chaos sécuritaire a posé des problèmes à tous les gouvernements libyens depuis la chute d’El Gueddafi en 2011.

Le ministre libyen nommé à la tête de la Défense n’a jamais eu d’autorité sur les groupes armés qui se prévalent de la révolution du 17 février. «L’Ouest libyen n’est pas sorti de la phase de la révolution à celle de l’édification d’un Etat, avec des forces militaires ou des unités sécuritaires défendant cet Etat», explique le juge Jamel Bennour, révolutionnaire de la première heure, qui croit néanmoins que «l’on doit tourner la page de la révolution et s’orienter vers l’édification de l’Etat. Et ce n’est pas chose aisée».

Avec une telle situation, c’était normal que Abdelhamid Dbeyba garde le ministère de la Défense pour lui, puisque les deux camps politiques, l’Est et l’Ouest, n’ont pas de vision commune concernant la question sécuritaire, pas comme la commission militaire «5+5» qui est parvenue à s’entendre. Dbeyba l’a reconnu hier devant le Parlement. Il a également appelé au départ de toutes les forces armées étrangères de Libye, tout en reconnaissant que des difficultés persistent dans l’application.

Finalement, l’audition de Dbeyba et de son gouvernement s’est résumée au suivi de la gestion courante, concernant l’amélioration du quotidien des Libyens, la tâche pour laquelle ce gouvernement a été nommé. Plusieurs députés ont soulevé la question des coupures d’électricité, dont l’arrêt constitue l’une des principales promesses de Dbeyba.

Des contrats ont été certes passés avec la Turquie pour créer de nouvelles centrales électriques, afin de renforcer le réseau. Mais, le Parlement a refusé de valider ces ordres et d’ordonner ces dépenses, puisque l’octroi de tels ouvrages devrait passer via des appels d’offres ou des consultations internationales. «Le fait que la Banque centrale, distributeur de l’argent public, et l’Etablissement national de pétrole, source des fonds publics, soient d’obédiences différentes a compliqué la tâche du gouvernement», explique le politologue Ezzeddine Aguil.

La séance d’audition du gouvernement a néanmoins permis de comprendre que les anciens gouvernements libyens ont laissé une ardoise de dettes de 70 milliards de dinars libyens, soit près de 17 milliards de dollars, bien que ces gouvernements aient récupéré près de 170 milliards de dollars de fonds libyens à l’étranger.

L’audition a également permis au chef du gouvernement Dbeyba de réaffirmer qu’Interpol Tunisie a transmis ses suspicions sur la présence de terroristes tunisiens à la base d’El Witya, à une cinquantaine de kilomètres des frontières tunisiennes. Dbeyba a précisé qu’il fera aujourd’hui, 9 septembre, un déplacement à Tunis pour examiner les questions de partenariat, dont la réouverture des frontières, avec le président tunisien, Kaïs Saïed. La séance d’audition n’a été qu’une réconciliation entre le gouvernement et le Parlement.

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