Omar Belhouchet: « Ces assises renforcent les liens entre journalistes vers plus de liberté »

EL Watan. 100.000 exemplaires, le double il y a encore quelques années, une centaine de journalistes, des publications spécialisées (économie, culture etc.…), mais aussi des publications régionales et des bureaux dans toute l’Algérie. C’est le principal journal du Maghreb. Fondé en 1991 à Alger, ce média francophone est devenu la voix de la démocratie et des combats sociaux dans un espace géographique où la liberté d’expression est loin d’être acquise. Avec 150 procès souvent intentés par des pouvoirs publics, quelques arrestations, parfois la prison, Omar Belhouchet, son directeur de publication et icône algérien d’une certaine résistance tient le coup. Après plus d’un quart de siècle d’existence, le journal peut être, plus que jamais, fier de ses exploits. En marge des Assises internationales du Journalisme déplacées spécialement cette année de Tours (France) à Tunis (Tunisie), il a accordé un entretien à Afrika Strategies France. Lucide, pertinent, modeste et confiant, il a un style plutôt direct. Interview !

Vous êtes Omar Belhouchet, directeur de publication du grand quotidien El Watan. On sait que globalement dans le monde, la liberté de la presse est menacée, même dans certains pays d’Occident. Quelle est la situation dans votre pays ?

Que ce soit dans mon pays, dans les pays du monde arabe où la plupart des pays africains, la liberté de presse est menacée. Cela est notamment dû au fait que les lois dans la plupart des pays concernés soient répressives. Ce ne sont pas des lois qui protègent le travail du journaliste. Elle est aussi, en ce qui concerne la presse, menacée par les pouvoirs d’Etat mais aussi des pouvoirs économiques notamment les entreprises et les réseaux. Nous plaidons en Algérie auprès des pouvoirs publics pour que les journalistes soient davantage protégés dans l’exercice de leur métier.

El Watan tirait près de 200.000 exemplaires il y a quelques années, le tirage ne dépasse guère 100.000 aujourd’hui. Comment expliquez-vous cette vertigineuse chute ?

La chute est essentiellement due à deux aspects. Le premier aspect, c’est la concurrence du numérique avec les réseaux sociaux et notamment facebook. Ce qui fait de nombreux citoyens des journalistes potentiels qui parfois, il faut le reconnaître, nous concurrencent en publiant même des informations avant nos parutions. La seconde raison est la chute de la publicité qui a entraîné une augmentation du coût du journal. On a ainsi gagné en stabilité et équilibre financiers tout en perdant une partie du lectorat.

La révolution numérique n’est pas prête de s’arrêter, bien au contraire, elle devrait se renforcer. Est-ce que El Watan a un plan d’adaptation au contexte ?

Oui. Premièrement, il faut offrir un journal qui a du sens. En matière de faits, c’est difficile d’être concurrentiel. Deuxièmement, ce que nous pouvons faire c’est d’élargir la grille de lecture, d’inviter des spécialistes et de décortiquer l’information en allant le plus loin possible dans la compréhension des sujets. La diversité de nos offres, de nos publications (nationales et régionales) permet d’offrir un contenu éditorial qui n’existe pas sur les réseaux sociaux.

Nous sommes à la première édition des Assises internationales du Journalisme de Tunis après de nombreuses éditions à Tours en France. Qu’est-ce qu’un tel rendez-vous offre au renforcement de la liberté de presse ?

Le rapprochement, la rencontre, les échanges entre nous, la mutualisation de nos efforts pour un combat collectif au secours de la liberté de presse à travers les réseaux. De pareilles assises permettent d’avancer en groupe.

Votre journal est un géant en Afrique, l’un des plus lus. Au bout d’un demi siècle de carrière, quel est le conseil que vous pouvez donner aux jeunes qui arrivent et pour l’avenir de notre métier ?

C’est de vivre leur métier, de l’exercer avec passion. Ce métier n’apporte pas de richesses mais des problèmes. Et en même temps, c’est aussi un métier fabuleux qui permet de garantir et d’exercer un droit fondamental, celui d’être informé et d’informer.

Propos recueillis à Tunis par redaction@afrikastrategies.fr

 

 

 

 

 

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