ACP-UE : Après le succès de Bruxelles, l’ultime défi pour Robert Dussey est Samoa

Le ministre togolais des affaires étrangères a réussi d’une main de maître les négociations Acp-Ue, avec l’étape importante de Bruxelles en avril dernier. Le prochain défi de ce long processus aura lieu dans les îles Samoa, probablement au dernier trimestre de l’année. Robert Dussey rentrera ainsi dans l’histoire alors que son choix en 2018 était totalement inattendu.

Mi-avril, dans la capitale belge, un accord à la fois symbolique et important a été conclu entre le négociateur pour les ACP (Afrique Caraïbes Pacifique) et le Commissaire européen aux partenariats internationaux. Robert Dussey et Jutta Urpilainen se sont enfin mis d’accord, même si pendant trois ans, les discussions n’ont pas été de tout repos. Car il s’agit d’accords stratégiques et économiques entre l’Union européenne (Ue) et 79 pays de l’Afrique Caraïbes Pacifiques (Acp). Ces derniers accords devraient succéder à ceux de Cotonou, en cours depuis 2000. Mais le chef de la diplomatie togolaise a eu plus maille avec ses pairs des pays du sud que ceux de l’Europe. « C’est nous qui ne nous entendons pas. Mais l’Europe, elle, sait ce qu’elle veut » a-t-il laissé entendre à Bruxelles. Après la conclusion de l’Accord, sa signature et son adoption auront lieu à Samoa, « le plus tôt possible » souhaite l’Europe, « sans doute au cours du dernier trimestre de l’année » espère-t-on au ministère togolais des affaires étrangères. La question des droits de l’homme et de l’immigration a été des plus délicates.

Droits de l’homme et immigration

L’Europe fonde sur ce partenariat son principal défi extérieur, celui de l’immigration. Elle voudrait que les pays de départ fassent le travail de rétention, et préfère investir dans la répression en amont pour éviter que des migrants ne quittent leurs terres d’origine. Mais du côté des Acp, la perception est toute autre, on propose un plan de développement qui réduise au niveau des jeunesse l’envie de partir. « Ce que nous voulons, c’est d’abord avoir l’appui européen pour aider les gouvernements qui ont des difficultés à garder leur jeunesse dans leur propre pays, pour ne pas forcément chercher à venir en Europe de manière illégale, de mourir dans la mer ou dans l’océan » insiste Robert Dussey. Sur la question des droits de l’homme, les principes sont acquis de part et d’autre, sauf le volet de la liberté sexuelle. 90% des pays africains ne reconnaissent pas le mariage entre deux sexes et près de la moitié répriment sévèrement les relations homosexuelles. Dans certains pays comme le Cameroun, le Tchad, l’Ouganda ou encore le Zimbabwe, plusieurs centaines de personnes sont détenues en prison en raison de leur orientation sexuelle. Sur ce sujet, l’Europe a voulu se montrer intransigeante avant d’assouplir sa position et d’encourager les Etats « à faire des efforts dans le sens de la promotion du droit à la différence sexuelle« . Finalement, les Accords sont conclus et devront être signés avant la fin de l’année. En attendant, ceux de Cotonou qui étaient prolongés jusqu’à la fin 2020 devront assurer la transition. Pour Dussey, les questions d’homosexualité sont  » un problème culturel » que seul « le temps va régler« . 

Les Acp-Ue en question

Ces accords embrassent tous les secteurs. La démocratie, les droits de l’homme, les échanges commerciaux, les partenariats et coopérations, tout y passe. Il s’agit généralement de principes basés sur les intérêts réciproques des deux parties. D’un côté, les 27 pays (depuis le brexit) de l’Union européenne, de l’autre les 79 des Afrique, Caraïbes, Pacifique (Acp) regroupés dans l’Organisation des Etats d’Afrique, Caraïbes et Pacifique, avec son siège à Bruxelles et dont l’actuel Secrétaire général est Georges Chikoti. Le seul objectif de cette structure est de négocier les accords et surtout de veiller à leur mise en application. La coopération entre l’Europe et les Acp a permis la signature en 1975 des conventions de Lomé qui seront remplacées en 2000 par l’Accord de Cotonou. Le prochain accord s’appelle « post Cotonou » en attendant de lui attribuer sans doute le nom de son lieu de signature. Elle régentera la coopération entre les deux parties pendant 20 ans. Pour y parvenir, la tradition veut que deux négociateurs soient désignés, un de chaque côté. Du côté de l’Europe, il s’agit du Commissaire en charge des partenariats internationaux ou du développement. Les Acp, quant à eux, choisissent un représentant, pour ces derniers accords, le ministre togolais des affaires étrangères. Le document conclu à Bruxelles est le fruit de leurs nombreuses rencontres, à Bruxelles comme dans d’autres capitales du monde. 

Samoa, l’ultime étape 

La signature proprement dite des Accords aura lieu à Samoa, un archipel de 3030 km2 situé en Océanie. Les pays des Caraïbes et du Pacifique ont estimé qu’il est temps qu’un accord voit le jour dans l’un de leurs Etats.  Ces accords s’occupent aussi de l’ouverture des marchés des Acp à l’Europe. Un volet délicat d’autant que dans plusieurs pays, sociétés civiles et politiques craignent « un invasion commerciale« . Ce complexe aspect a été largement pris en compte pendant ces longues discussions qui ont lieu à plusieurs endroits dans le monde.

Il faut rappeler qu’à l’exception du Cuba qui n’a pas signé la Convention de Lomé ni l’Accord de Cotonou, tous les membres des Acp les ont, à chaque fois, signés. Le prochain enjeu pour Jutta Urpilainen et robert Dussey sera qu’à Samoa, aucun pays membre ne reste à la touche. 

 

MAX-SAVI Carmel, Afrika Stratégies France

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