Hausse des prix au Sénégal : le gouvernement tente de désamorcer la crise

Confrontée à une hausse des prix des produits de base, la ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, a convoqué les professionnels du secteur. Suffisant pour apaiser des tensions grandissantes ?

Flambée des prix des produits de première nécessité. Pénurie de sucre. Et une population exaspérée de voir le coût de la vie augmenter sans que le pouvoir d’achat n’en fasse autant.

Ce mardi 31 août, la ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, avait provoqué une réunion du Conseil national de la consommation. L’occasion pour le gouvernement de s’expliquer sur la hausse de prix et de rencontrer les acteurs du secteur (administration, douanes, impôts, associations de consommateurs, commerçants et industriels). Mais aussi de désamorcer une situation potentiellement explosive.

Après les émeutes du mois de mars dernier qui avaient mêlé, au moment de l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, revendications politiques et économiques, après aussi une série d’inondations qui avaient déclenché la colère des Sénégalais, c’est cette fois la flambée des prix qui a suscité leur mécontentement. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #DundBiJaffeNa (« la vie est chère »), #Sonounaniou (« nous sommes fatigués ») et #Meunatouniou (« nous n’en pouvons plus ») ont fleuri pour dire cette exaspération.

Une grogne qui pouvait s’avérer dangereuse pour le pouvoir, à quelques mois d’un scrutin régional. Certes, l’opposition peine toujours à former une alliance électorale pour affronter la majorité, mais la formation Benno Bokk Yakaar (BBY, coalition présidentielle) entend bien s’emparer d’un maximum de sièges.

Soulager seize millions de consommateurs

Hasard du calendrier ? Le Conseil national de la consommation, qui ne s’était pas tenu depuis deux ans, a donc été réuni par Aminata Assome Diatta le 31 août. « Nous n’avions pas suffisamment de raisons de le convoquer plus tôt, affirme toutefois le directeur du Commerce intérieur, Oumar Diallo. Nous avions bien senti des tensions sur certains produits, comme l’huile ou le blé, mais il nous fallait observer cette inflation sur une période assez longue. »

LA SITUATION SANITAIRE A PERTURBÉ LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT

Objectif affiché par le ministère : « Faire le point sur la situation du marché international et ses répercussions sur le marché local afin de trouver les solutions adéquates pour soulager les seize millions de consommateurs. »

Selon l’Agence nationale de la statistique, les prix de la consommation se sont accrus de 1,2 % par rapport à 2020. Les produits de première nécessité en particulier ont subi d’importantes hausses ces derniers mois : l’huile aurait ainsi augmenté de plus de 4 % depuis 2020, le sucre de plus de 3 %. Des augmentations que le gouvernement impute notamment à la situation sanitaire, qui a perturbé la chaîne d’approvisionnement, provoquant une hausse exponentielle des denrées de base comme l’huile, le sucre, le riz, le maïs ou le blé.

Est-ce suffisant pour expliquer la pénurie de sucre qui touche actuellement le pays ? « Cette pénurie est organisée, dénonce Momar Ndao, le président de l’association de consommateurs Ascosen. » Selon lui, les commerçants et les compagnies sucrières exportent dans la sous-région : « Les commerçants vendent leur sucre là où il y a le plus de bénéfices. »

Suspendre la taxe à l’importation

Le 30 août, le ministre des Finances, Abdoulaye Daouda Diallo, a demandé au directeur des douanes de suspendre la taxe conjoncturelle à l’importation appliquée sur le sucre raffiné importé, et ce jusqu’au 15 octobre. Une manière « d’atténuer l’effet de la hausse combinée du coût du fret maritime et des prix sur les marchés internationaux », selon le membre du gouvernement. Cette taxe instaurée par les douanes vise à amortir les effets des variations de prix internationaux sur la production nationale et à éviter les pratiques déloyales.

C’EST À LA MINISTRE DU COMMERCE, À TRAVERS L’AGENCE DE RÉGULATION DES MARCHÉS, DE RÉGULER LES PRIX

Une décision bienvenue, quoique tardive, selon Momar Ndao. « Chaque année, le Sénégal importe jusqu’à 50 000 tonnes pour compléter la demande nationale. Nous demandions de renoncer aux taxes sur ce sucre importé depuis des mois. C’est à la ministre du Commerce, à travers l’agence de régulation des marchés, de réguler les prix des denrées de première nécessité. Sinon les commerçants continuent de maintenir leurs prix élevés pour faire des bénéfices. » Un marché « désorganisé », tacle l’ingénieur, qui reproche à la ministre de s’être plus impliquée dans sa candidature à la mairie de Keur Massar que dans sa mission au ministère.

Des concessions ont pourtant été faites par le ministère : suspension de certaines taxes douanières, baisse de la TVA sur certains produits… « Le Sénégal n’a pas d’emprise sur le marché international, justifie le directeur du Commerce intérieur. Nos leviers d’action portent donc sur les douanes. Aujourd’hui, le niveau de TVA est maintenu à 0 % sur le riz et ce sera la même chose pour la farine de blé, qui était déjà passée de 12 % à 6 %, ou pour l’huile végétale importée. »

Cela permettra-t-il d’arrêter la flambée des prix ? « Il va falloir que les décisions prises puissent être appliquées de manière ferme », prévient Momar Ndao.

 

Afrika Stratégies France avec Jeune Afrique

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