UA/NIAMEY : La Zlec, son effectivité et ce qu’elle changera pour l’Afrique

Signé par 54 pays, l’accord instituant la Zone de libre échange continentale (Zlec) a été ratifié par 27 pays dont le Gabon et la Guinée équatoriale ce dimanche lors du sommet de l’Union africaine à Niamey. C’est par des applaudissements nourris que les présidents du Bénin du Nigeria ont apposé leurs signatures sur le document visant à donner corps à l’un des projets économiques phares de l’Afrique. En attendant les ratifications.

Il faut rappeler qu’il y a deux étapes. La signature (faite par tous les pays à l’exception de l’Erythrée) et la ratification (qui dans certains pays passe par le parlement et qui s’accompagne des instruments juridiques nécessaires). Chaque pays doit donc signer puis ratifier. A Niamey, ce sont 32 chefs d‘Etat qui ont répondu présents pour rendre effectif la Zlec. Et une dizaine de chef de gouvernement ou de ministres d’Etat ont mené des délégations. Parmi eux, Patrice Talon (Bénin) et Muhammadu Buhari (Nigeria) qui ont signé l’accord ainsi que les chefs de délégation du Gabon et de la Guinée équatoriale qui l’ont ratifié renforçant ainsi création de la Zone de libre échange économique continentale. C’est d’ailleurs autour de la Zlec que tourneront les discussions des chefs d’Etat et de gouvernement dans la capitale nigérienne. Le sommet doit en effet arrêter les statuts, les cadrages budgétaires et de financement du secrétariat général dont le siège s’établira à Accra, au Ghana. Mais qu’est-ce que le Zlec ? Comment fonctionnera-t-elle? Quand entrera-t-elle en vigueur et qu’est-ce qu’elle changera pour l’Afrique ?

C’est quoi le Zlec ?

Le premier à se réjouir publiquement des signatures et ratifications obtenues lors de ce sommet est Abdel Fattah al-Sissi. Le président égyptien a félicité ses paris pour cette « grande réalisation » rappelant au passage que « les efforts restent importants pour la mettre en œuvre et permettre l’augmentation des échanges africains, le développement de nos industries« . Le Nigérien, qui a fait le travail, en amont dès 2016, des consultations et études, espère « la rapide mise en œuvre« .  Mais qu’est-ce que la Zlec ? C’est une mise ensemble économique des marchés régionaux existants déjà. Elle rassemble le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa), la Communauté d’Afrique de l’est (Cae), la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadc) ainsi que la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) ou encore la Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) de même que l’Union du maghreb arabe (Uma) ou la Communauté des Etats sahélo-sahéliens. Bref,  toutes les entités économiques régionales existantes sous le contrôle de l’Union africaine (Ua). Il ne s’agit pas d’une dissolution en un seul bloc mais d’une inter-coopération qui favorise les échanges et accélère les exportations. Et fera, en matière douanière, de toute l’Afrique un seul et même territoire. Aucun produit passant d’un pays à un autre ne nécessitera des droits de douane.

Que changera-t-il en Afrique ?

D’abord, aller vers un marché unique au sein duquel la circulation des marchandises est garantie ainsi que, d’une certaine manière, celle des personnes et des biens. Actuellement, même si la libre circulation des personnes est garantie au sein de la plupart des organisations régionales, la Cedeao en a été pionnière, un Malien ou un Togolais a encore besoin de visa pour accéder à la moitié des pays du continent. Ensuite, la création du marché unique va accélérer l’annulation des visas et favoriser, pour les pays résistants, l’émergence de visas électroniques que le Bénin a mis en place et qui semble bien fonctionner. Mais aussi et surtout la mise en place d’un marché unique qui, avec le Nigeria (17% du Pib africain avec ses 190 millions d’âmes) qui vient de signer l’accord, comptera 1,2 milliards d’habitants et un Produit intérieur brut (Pib) cumulé de plus de 2500 milliards de dollars. Enfin, la Zlec vise d’ici 10 ans la disparition des droits de douanes sur tous les produits, faisant de toute l’Afrique un seul pays en matière de fiscalités douanières. Un exemple illustratif, le ciment Dangoté, produit par le milliardaire nigérian et dont le prix varie de plus de 25% entre le Bénin et le Togo sera à un prix unique. En baissant ainsi ses prix, avec l’absence de droits de douanes, Dangoté créera une concurrence qui finira par réguler les prix. Ce qui est une véritable opportunité économique à l’interne et qui déclenche déjà des appétits au sein de la communauté financière. La Banque africaine d’exportation et d’importation (Afreximbank) a déjà annoncé, en prélude au sommet de Niamey, qu’elle financerait la Zlec à hauteur de 25 milliards de dollars.

Quand sera-t-il effectif ?

Il est déjà lancé depuis le 30 mai. A l’heure actuelle, à l’exception de l’Érythrée qui tarde à rejoindre la zone et la Somaliland qui n’est pas reconnue par l’organisation continentale, tous les autres pays en sont déjà membres ou en tout cas l’ont signé. Si 27 seulement l’ont, à ce jour, ratifié, son effectivité nécessite le dépôt d’instruments de ratification par au moins 22 pays. Ce qui était déjà le cas en mai dernier. La prochaine étape sera la création des quatre instances, l’assemblée des chefs d’Etats, le conseil des ministres, le comité de hauts fonctionnaires du commerce et le secrétariat général qui siègera à Accra. Les ministres des affaires étrangères ont préféré le Ghana au Swaziland, l’Egypte, le Madagascar ou le Kenya qui étaient tous candidats pour abriter le secrétariat général.  Faisant partie de l’agenda 2063 de l’Union africaine, ce projet déjà lancé en mai, sera effectif à la fin du sommet de Niamey et la mise en place des instances suivra, dans les prochains mois. « Nous devons aller très vite » a rappelé Alpha Condé, qui a le mérite d’avoir relancé récemment le projet existant depuis 2012. Dans les prochains jours, le mécanisme devrait se mettre en place en attendant que les autres Etats ne ratifient.

Si le projet suscite beaucoup d’engouements, les plus sceptiques craignent qu’ils ne connaissent le même sort que d’autres grands projets continentaux comme le Népad, qui ont fait le buzz avant de passer aux oubliettes. « Cette fois-ci, c’est très sérieux » a déjà prévenu le tchadien Moussa Faki Mahamat qui préside la commission de l’Union africaine depuis 2016. Encore faudrait-il l’accompagner avec les projets de passeport panafricain et d’espace aérien continental pour soutenir la Zlec.

Yasmina Fadhoum, Envoyée spéciale à Niamey, Afrika Stratégies France

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