COTE D’IVOIRE : Malgré les susceptibilités politiques, la réconciliation suit son épineux chemin

Malgré l’hésitation d’une partie de l’opposition, Alassane Ouattara ne relâche pas son engagement pour la réconciliation. Depuis la nomination en 2020 d’un ministre de la réconciliation, il multiplie des gestes notamment à l’endroit de ses adversaires politiques d’hier. Retour de Gbagbo, passeport ivoirien pour Blé Goudé, rencontres entre anciens présidents, grâce présidentielle pour son prédécesseur, le président n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.

Mi-juin, alors que la grande majorité des réfugiés ivoiriens sont rentrés au pays, le Haut-commissariat pour les réfugiés (Hcr) de l’Organisation des nations unies (Onu) a annoncé la cessation de statut de réfugié ivoirien. A partir de cet instant et eu égard aux efforts du gouvernement pour organiser leur retour, aucun ivoirien ne peut se prévaloir du statut de refugié où qu’il se trouve dans le monde, en raison de la situation de son pays. Ce qui sous-entend que la stabilité sociale et politique est suffisamment garantie pour que les populations ne soient plus contraintes de quitter le territoire national. Un grand pas vers la réconciliation dont le processus a débuté plus tôt, avec la nomination de Kouadio Konan Bertin (Kkb) comme ministre en charge de la réconciliation mais aussi les nombreuses rencontres entre protagonistes politiques d’hier au sommet.

Gbagbo et Bédié au Palais

A peine a-t-il été acquitté définitivement par la Cour pénale internationale fin mars dernier qu’Alassane Ouattara a engagé le processus devant aboutir au retour au bercail de Laurent Gbagbo, son prédécesseur. Moins de trois mois plus tard, il est arrivé à Abidjan le 17 juin, après dix ans d’absence, sur le vol SN229 à 15h45, heure d’Abidjan. La création du ministère de la réconciliation et de la cohésion nationale en fin 2020 a contribué à ce retour rapide. Quelques semaines après son retour, Laurent Gbagbo se rend au Palais présidentiel où il a été accueilli par Alassane Ouattara. Et pour faciliter l’avancée du processus, leur cadre d’échanges a été rejoint officiellement par Henri Konan Bédié qui a dirigé le pays de décembre 1993 à fin 1999 avant d’être renversé par un coup d’état. L’image des deux anciens présidents et leur successeur le 14 juillet 2022 a ému tout le pays a donné le ton d’une réconciliation qui, malgré les difficultés, tient la route. « La rencontre de ce jour a été une rencontre de retrouvailles pour renouer le contact et échanger dans la vérité », sur les grands sujets de la nation, selon une brève déclaration commune lue par Laurent Gbagbo à la sortie de la réunion. Les trois hommes ont également souhaité que cette rencontre soit un ferment de « la décrispation du climat sociopolitique national en Côte d’Ivoire ». D’autres actes concrets suivent.

D’autres actes concrets au secours de la réconciliation

C’est à la surprise générale des observateurs de la scène politique ivoirienne et à l’étonnement du bénéficiaire lui-même que lors de son discours d’indépendance le 6 août dernier, le chef de l’état ivoirien gracie son prédécesseur. Alors qu’un verdict de 20 ans de prison pesait sur la tête de Gbagbo comme un épée de Damoclès, Alassane Ouattara y a mis fin. Depuis, il appelle les uns et les autres à apaiser les esprits et a rassuré le ministre de la réconciliation de ce qu’il tient « à ce que la réconciliation aboutisse malgré les difficultés« . Il a placé le 62e anniversaire de l’indépendance du pays sous ce signe, avec le match de gala qui a opposé, début août, à Yamoussoukro la capitale politique, le gouvernement et la jeunesse des partis politiques. Un grand nombre d’artistes ont d’ailleurs retrouvé le chemin du retour, Kouadio Konan Bertin en reçoit régulièrement et ne manque pas d’occasions, lors de ses tournées nationales et internationales, d’encourager « le retour de toutes les filles et tous les fils de la Côte d’Ivoire ». Le choix de Yamoussoukro, cité célèbre pour l’imposante basilique Notre-Dame de la Paix (réplique de la basilique de Rome), avec ses vitraux et son dôme imposant est tout un symbole pour le fameux match de la réconciliation. Des gestes qui rassurent les ivoiriens si attachés aux symboles.

Le cas Blé Goudé

Longtemps proche de Laurent Gbagbo dont il fut le ministre jusqu’à la crise de 2010-2011, Charles Blé Goudé a dû patienter pour avoir son passeport. Fin mai, il a reçu son passeport ordinaire des mains de Hamza Sallah Amza Sallah, ambassadeur de Côte d’Ivoire aux Pays-Bas. L’événement s’est tenu en présence du consul général de Côte d’Ivoire en France, Issiaka Konaté. Depuis, Blé Goudé prépare son retour et compte, pour ce fait, sur le ministre de la réconciliation qui ne cache pas son amitié et sa proximité pour « ce frère avec qui » il a mené des combats selon ses propres termes. Le retour de Blé Goudé est attendu dans les prochaines semaines, Alassane Ouattara suit tout cela de près.

La Côte d’Ivoire était plongée dans une crise électorale en 2010 suivie d’une guerre civile qui a fait au moins 3000 morts selon divers rapports concordants. « Au pic de l’exil, il y avait plus que 350 000 réfugiés ivoiriens dans le monde dont 325 000 dans la région » rappelle le haut-commissaire de l’Onu pour les réfugiés. « De ces 325 000 qui ont fait l’objet de la feuille de route, 310 000 sont rentrés maintenant, soit 96%. Il y a encore quelques milliers qui vont rentrer dans les semaines qui suivent. Il en reste à peu près 12 et 13 mille dans les pays d’asile qui vont faire l’objet de mesures de régularisation, octroi de passeport, naturalisation… », a-t-il souligné fin mai. Le pays a la voie de la paix ouverte devant lui, il invite reste que les ivoiriens fassent les bons choix.

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