PEDOPHILIE : Mgr Vigano alimente une fronde pour la démission du pape François

L’ancien ambassadeur du Vatican à Washington demande dans une lettre d’une dizaine de pages au pape de quitter ses fonctions. Pour cause, François aurait protégé un cardinal américain accusé d’abus sexuels et se serait montré laxiste sur le sujet. Le Saint Siège répond par le silence alors que le souverain pontife n’a jamais été aussi blâmé pour « ne pas faire assez contre la pédophilie ».  

A 77 ans, Mgr Carlo Maria Vigano entame un ultime combat contre la pédophilie dans l’Eglise catholique. Profitant sa liberté de ton que lui concède sa paisible retraite, le prélat va aussi loin que n’a jamais été un dignitaire de l’Eglise. Intransigeant, il affirme avoir mis en garde le pape dans la foulée de son élection en 2013 contre le danger que représentait Mgr Théodore McGarrick, accusé à l’époque par des séminaristes d’avoir abusé d’eux. Vigano reproche au Saint Père de n’avoir accepté la démission de l’ancien archevêque de Washington qu’en juillet dernier. Peu avant, le père Pierre Vignon avait demandé au cardinal Barbarin sous le coup d’une plainte pour « avoir ignoré les agissements pédophiles de prêtres » de quitter la tête du diocèse de Lyon. Comme une ère de fronde qui s’enfle au sein d’une Eglise minée par des abus sexuels perpétrés par des clercs.

Mgr McGarrick, la pomme de discorde

Ancien archevêque de Washington, le cardinal vivait sa retraite dans un séminaire de son diocèse où il aurait abusé de plusieurs futurs prêtres qui ont fini par le dénoncer. En juillet dernier, celui qui a quitté la tête du diocèse depuis 2006 a démissionné de son poste de conseiller du Pape. Très proche de Jean Paul II qui en fera cardinal en 2001 en le mutant dans la capitale américaine, alors qu’il était évêque « craint et respecté » dans le New Jersey, McGarrick a été longtemps « l’intouchable qui se permettait tout » selon plusieurs témoignages concordants de jeunes prêtres qui ont été ses victimes. Mais il aura fallu une forte mobilisation de lobbies catholiques américains pour qu’à 88 ans, il cède son poste de conseiller du Pape. Il quitte aussi le collège cardinalice et plusieurs plaintes sont portées contre lui dans son pays où il devrait en répondre. Bénéficiant d’une citoyenneté du Vatican qu’il perd de fait parce que liée à son poste, il aurait pu être protégé s’il ne démissionnait pas. Aujourd’hui, Mgr Vigano reproche au Pape de l’avoir protégé. Le prélat italien entend se battre pour dénoncer, malgré son âge avancé, « toutes sortes d’abus » dans l’Eglise.

L’église sous le feu des critiques

Dans une lettre aux catholiques du monde entier et aux hommes de bonne volonté le 20 août, le chef de l’Eglise appelle à une réponse de toute l’Eglise au problème des abus. Cela, quelques jours après le rapport accablant du procureur de Pennsylvanie qui accuse plus de 300 prêtres d’avoir profité sexuellement d’un millier d’enfants en un peu plus d’un demi siècle. Depuis, même au sein du clergé, des voix s’élèvent pour interpeller les premiers responsables des églises locales. C’est le cas d’un prêtre canoniste de Valences qui a demandé, mi-août, sans succès, à l’archevêque de Lyon de rendre le tablier. Nonce apostolique aux Etats-Unis de 2011 à 2016, la démarche de Mgr Vigano s’inscrit dans le même ordre. L’ancien secrétaire général du Gouvernorat du Vatican estime que François a même suspendu des sanctions prononcées contre le cardinal McGarrick par son prédécesseur et en a fait « un conseiller spirituel ». Il espère que le Pape en tirera les leçons et renoncera au siège de Saint Pierre. A la Salle de presse du Vatican, à Rome, on préfère ne pas faire de commentaire. « Nous n’avons rien à dire pour le moment » a commenté, laconique, le porte parole du Pape alors que le souverain pontife séjourne en Irlande où le scandale de la pédophilie dans l’Eglise est sur toutes les lèvres.

La démission de François envisageable ?

Canoniquement, un Pape peut démission d’autant que Benoît XVI en a ouvert la voie en février 2013. Même s’ils n’ont été que deux, dans l’histoire de l’Eglise a quitté le trône avant que mort ne survienne, c’est une possibilité dans l’Eglise. Compte tenu de son âge avancé et de son état de santé fragile (il n’a qu’un seul poumon depuis 60 ans), le pape argentin a déjà envisagé quitter ses fonctions et l’a laissé entendre à plusieurs collaborateurs. Mais il aime aussi répéter que le « Christ n’a pas quitté la barque pendant la tourmente ». François pourrait donc continuer son ministère d’autant qu’il est allé plus loin que ses prédécesseur sur la question, acceptant la démission en bloc de tous les 34 Evêques de Chili et déclarant « sa souffrance et sa honte ». En Irlande encore où il séjourne actuellement, il a reçu 8 victimes de pédophilie commise par des religieux et a dénoncé « un crime barbare » et monstrueux. Un plan est en projet au Vatican pour proposer des « issues crédible et durable » selon un cardinal africain contacté par Afrika Stratégies.

Face à l’ouverture dont a fait preuve le pape depuis son élection et qui l’a souvent amené à critiquer publiquement l’Eglise et « ses princes », il est à craindre qu’à sa suite, les papabili n’élisent un fort conservateur. Ce qui aura pour conséquences de ralentir l’Eglise dans son élan d’aller plus loin dans ses approches aux côtés des victimes.

redaction@afrikastrategies.fr

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